Copyright © Laurent Barthélemy, 2024. Licence Creative Commons BY-NC-ND 4.0. Ce livre peut être téléchargé, partagé et distribué gratuitement sous réserve de respecter les conditions suivantes : utilisation uniquement à des fins non commerciales, pas de modification, d’adaptation ou de reproduction partielle sans accord de l’auteur. Pour plus d’informations, consultez https://laurentbarthelemy.fr.
Ce livre est un conte pour enfants âgés de 10 ans et plus. Toute ressemblance avec des personnages ou des faits existants serait purement fortuite.

 

Avant-propos 

 

Je suis Kaia, venue de Neurosia pour explorer la Terre. J’ai découvert un monde magnifique, mais aussi que les humains sont parfois très bizarres ! J’ai donc décidé de vous partager mon journal de bord. Qui sait, peut-être vous aidera-t-il à découvrir comment sauver l’humanité ?

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Chapitre 1 : arrivée dans le système solaire

 

J’ai activé par précaution le mode invisible de mon vaisseau. Mon objectif final ? La troisième planète, celle qui brille en bleu.

Mon fidèle Drodog1 manoeuvre pour préparer mon arrivée.

En entrant dans son ciel, je découvre d’’immenses océans, des forêts épaisses, des montagnes. Cette planète est magnifique ! 

Je prépare mon petit vaisseau auxiliaire pour descendre vers la surface.

J’atterris près d’une immense forêt traversée par un fleuve gigantesque. Mon ordinateur de bord m’apprend que cet endroit s’appelle la forêt amazonienne. Je me pose dans une clairière, et mes instruments confirment que l’air ici est tout à fait respirable. Quelle chance !

Non loin, quelque chose attire mon attention. En utilisant mon amplificateur de vision, je vois un groupe d’enfants. Ils ont la peau foncée, des cheveux bouclés, et jouent avec une sorte de balle, la lançant entre deux pierres qui semblent marquer une sorte de but. Ils rient, courent, et semblent très heureux.

Je décide de rentrer en contact avec eux. Je ferme les yeux et utilise mes pouvoirs pour leur envoyer par la pensée un message télépathique simple dans leur esprit :

– Bonjour, je suis Kaia. Est-ce que je peux me connecter avec vous ?

Mais ils ne réagissent pas. Ils continuent de jouer comme si de rien n’était. Peut-être qu’ils ne peuvent pas recevoir ce genre de message ? Ce n’est pas grave, je vais essayer autrement.

J’active un hologramme de moi-même près d’eux. Ils ne peuvent pas encore le voir, mais lui observe tout : leurs mots, leurs pensées, leurs émotions.

Doucement, je commence à rendre mon hologramme visible, un peu à la fois.

– Salutations. Je suis Kaia, et j’aimerais me connecter avec vous.

Ils s’immobilisent d’un coup, bouche bée. Leurs regards hésitent entre crainte et fascination. L’un d’eux, un garçon brun et vif, murmure :

– C’est quoi, ce truc ?!

Ils reculent légèrement. Je comprends que je dois agir avec prudence.

– N’ayez pas peur, je ne vous veux aucun mal. 

Mais le garçon brun, terrifié, se tourne pour partir en courant.

– Hé, Pablo ! N’aie pas peur !

Il s’arrête net, l’air stupéfait. Il se retourne lentement vers moi, son doigt tremblant pointé dans ma direction.

– Comment tu connais mon prénom ?

Sa voix est un mélange de peur et de curiosité. Je lui réponds calmement.

– Je m’appelle Kaia. Je viens d’une planète située non loin d’ici qui s’appelle Neurosia. C’est grâce à mes pouvoirs que je sais que tu t’appelles Pablo, et que tes amis sont Oscar, Astrud, Adriano et Maria.

Les enfants restent figés, entre fascination et méfiance. Je continue doucement :

– Je ne veux pas vous effrayer. J’aimerais simplement discuter avec vous. Vous avez l’air gentils et intéressants. Tenez, regardez : je vais vous montrer où j’habite sur Neurosia.

Je déclenchai un écran virtuel qui leur montrait une photo de Neurosia.

Je vois leurs visages s’éclairer, mais ils restent incrédules. Ils me regardent comme si j’étais un rêve ou une histoire incroyable.

– Je vois que vous êtes surpris et je le comprends. Permettez-moi une question. N’avez-vous donc jamais quitté cette planète ?

Un long silence suit mes paroles, puis, comme un barrage qui cède, ils éclatent de rire. C’est un rire bruyant, libérateur. Le plus grand d’entre eux, Oscar, reprend son souffle et me lance :

– T’es sérieuse ? Quitter la planète ? On a jamais quitté notre village !

Les autres rient de plus belle.

– Comme je ne savais pas si vous étiez hostiles ou amicaux, je suis venue aujourd’hui sous cette forme holographique. Mais si vous le voulez, je pourrais revenir demain sous ma vraie apparence. Qu’en dites-vous ?

Ils se consultent à voix basse. Je n’ai pas besoin de tendre l’oreille pour comprendre leur mélange d’excitation et d’hésitation.

Je leur adresse un dernier sourire, puis mon hologramme disparaît lentement. Les enfants restent là, figés, leurs yeux grands ouverts, comme s’ils n’arrivaient pas à croire ce qui venait de se passer.

Demain, je reviendrai, et j’espère qu’ils seront prêts à m’accueillir. J’ai hâte de savoir lequel d’entre eux recevra mon premier connecteur holographique.

 

 

Chapitre 2 : la colère des enfants

 

 

Le lendemain, je retourne voir les enfants sous ma véritable apparence.

Je les retrouve à la lisière de la forêt, près de leur terrain de jeu. Lorsqu’ils me voient arriver, ils hésitent un instant, encore méfiants. Mais leur curiosité prend vite le dessus. Oscar, le plus intrépide, s’avance vers moi.

– C’est toi, Kaia ?

– Oui, c’est bien moi. Je tiens toujours mes promesses !

Ils m’entourent peu à peu, intrigués. Je ressens leurs émotions : émerveillement, curiosité craintive, excitation.

– Pourquoi t’es revenue ? demande Astrud, les bras croisés derrière son dos.

– Je suis revenue parce que j’adore votre planète et que j’ai envie de découvrir comment vous vivez

À ces mots, je sens un mélange étrange d’orgueil et de tristesse émaner d’eux. Adriano, un garçon plus petit mais au regard vif, prend la parole.

– Tu adores notre planète ? Alors tu ne sais pas ce qui se passe ici.

Je m’assieds sur un rocher pour les écouter. Ils échangent un regard, comme s’ils hésitaient à en parler. Puis Pablo se lance :

– Là-bas, dans la forêt, y’a des hommes qui brûlent et coupent les arbres. Tous les jours, ils détruisent des bouts de jungle pour planter autre chose.

– Mon père travaille là-bas, confie Maria avec un mélange de honte et de défi. Il dit que s’il arrête de couper les arbres, on n’aura plus rien à manger, mais ça rend la jungle triste, comme si elle pleurait.

Je les regarde, touchée par leur colère et leur tristesse.

– Je comprends ce que vous ressentez. Sur Neurosia, la nature est sacrée. Les forêts sont protégées comme tous les êtres vivants, et les arbres ne sont abattus que lorsqu’ils sont morts de vieillesse, après plusieurs centaines d’années.

Une idée me traverse l’esprit.

– Cela vous dirait qu’on répare un peu votre forêt ?

Les enfants me regardent interloqués. Je précise ma pensée.

– Sur Neurosia, nous avons tous le pouvoir de guérir certaines choses. Cela vous tente de découvrir cela ?

Ils se regardent en se demandant s’ils doivent accepter. Puis tous lèvent la main, enthousiastes.

– Parfait ! Placez-vous bien à côté de moi. Vous êtes prêts ? On y va !

J’ai actionné mon pouvoir d’Envol Luminique et nous voici en train de voler vers la zone où les arbres ont été arrachés.

Les enfants sont enchantés.

– On vole ! On vole !! répètent-ils, émerveillés.

Arrivée sur la zone sinistrée, je me pose puis me concentre intensément pour me connecter avec les arbres et les plantes de la zone. Puis j’active mentalement des Capsules de Régénération. 

– Voilà, dis-je. Maintenant, les arbres et les arbustes vont repousser. Tenez, regardez ! On voit déjà quelques pousses émerger.

– C’est toi qui fais ça ? demande Astrud, les yeux écarquillés. C’est incroyable…

Cette révélation l’avait métamorphosée : de renfermée, elle était devenue radieuse.

Je les regarde un instant, passant mon regard sur chacun d’eux. Puis, je m’arrête sur Astrud. Elle a les yeux qui brillent comme des étoiles. Quelque chose de spécial émane d’elle, une douceur et une gentillesse qui touchent mon cœur.

– Astrud, approche, dis-je avec un grand sourire.

Elle sursaute, surprise. Elle se désigne du doigt, hésitante.

– Moi ? Pourquoi moi ?  murmure-t-elle, ses joues devenant roses.

Je m’accroupis pour être à sa hauteur et plonge mes yeux dans les siens.

– Parce que je perçois en toi une grande gentillesse, comme une lumière qui brille. La gentillesse, Astrud, est une qualité très importante. C’est elle qui aide les gens à se comprendre et à se rassembler.

Je tends ma main et fais apparaître un petit objet scintillant, flottant doucement dans ma paume.

– Je veux que tu sois la première à recevoir ceci. C’est un connecteur holographique.

Astrud regarde l’objet, les yeux écarquillés. Elle tend sa main, tremblante, pour le prendre.

Le connecteur se pose doucement sur ses doigts, émettant une douce lueur.

– Garde-le précieusement, dis-je d’une voix douce. Très bientôt, ce connecteur te permettra de m’accompagner. Avec lui, nous ferons ensemble un voyage autour de la Terre. Tu comprendras pourquoi ta lumière est si précieuse pour ce monde.

Astrud hoche la tête, l’émotion brillant dans ses yeux. Elle serre doucement le connecteur contre son cœur, comme si elle avait déjà saisi l’importance de cet objet. Les autres enfants nous observent en silence, fascinés et curieux.

Il était temps de poursuivre mon voyage sur Terre.

Chapitre 3 : Une connexion universelle

De retour dans mon vaisseau, je ressens encore la colère et la confusion des jeunes Terriens. Leur envie de justice me touche profondément.

Mais avant de repartir, j’ai besoin de ceux que j’aime sur Neurosia, mes proches, mes amis. Ils sont toujours connectés à moi, comme une petite lumière qui brille dans mon cœur.

Je ferme les yeux et me concentre. Une énergie douce me traverse, comme un pont invisible qui me relie à Neurosia.

– Kaia ? La voix de Lior résonne doucement dans ma tête.

– Oui, c’est moi.

Dans cet instant, je ressens tout l’amour de Lior et de ceux qui me sont chers sur Neurosia. Des souvenirs reviennent : des rires, des jeux, et des silences paisibles dans nos beaux jardins suspendus.

– Tu es loin, Kaia, mais ton courage est avec nous. Comment ça se passe ? demande Lior.

– Ces humains… ils sont à la fois différents et comme nous. Ils ont tellement à apprendre, mais il faut les guider avec douceur.

La voix de Lior devient apaisante :

– Tu y arriveras, Kaia. J’en suis sûr.

Ces mots me réchauffent. Lior trouve toujours les mots justes.

Puis, d’autres voix se joignent à la sienne, comme une mélodie douce.

– Merci, Lior. Merci à vous tous. Je reviendrai bientôt.

Je reviens à moi, l’énergie de leur amour encore présente dans mon cœur. J’ouvre les yeux, inspire profondément, et prépare mon vaisseau à repartir.

Il était temps d’appeler Astrud à me rejoindre. J’actionnai son connecteur holographique.

 Astrud

 

 

– Astrud, c’est Kaia. Es-tu prête à découvrir la Terre comme tu ne l’as jamais vue ? Active ton connecteur holographique et laisse-le te guider jusqu’à moi.

– Kaia ! Vraiment ? Maintenant ? Je… Oui, bien sûr ! Attends, je l’active.

Astrud pressa son connecteur. Une lumière douce l’entoura, et un instant plus tard, son hologramme se retrouva transporté dans mon vaisseau auxiliaire. Elle ouvre les yeux, un sourire émerveillé sur son visage.

– C’est incroyable ! Tout est si… lumineux, mais pas éblouissant. Et ces formes ! Tout semble flotter. C’est comme… comme être dans un rêve.

– Bienvenue, Astrud. Ce vaisseau est spécial : regarde, touche ici.

L’hologramme d’Astrud posa doucement sa main sur un panneau qui s’illumina aussitôt. Une image panoramique de la Terre apparut, magnifique et brillante, en contrebas.

– C’est… la Terre ? On est déjà au-dessus ? Mais c’est si beau… On dirait un bijou ! Et tout est si silencieux ici. C’est paisible.

– Oui, ici, tu peux voir ta planète dans toute sa splendeur. Et bientôt, tu pourras découvrir des endroits que tu n’aurais jamais imaginés.

– Drodog1, accélère ! dis-je à mon fidèle chien-droïde.

Drodog1 actionna ses commandes et mon vaisseau accéléra de plus en plus fort. Astrud regardait à travers le panneau, apeurée et excitée et à la fois.

– Là, en bas, c’est mon Brésil, je le reconnais ! 

– Oui Astrud, je voulais que tu voies ton pays d’en haut avant de t’emmener ailleurs. 

- Merci, Kaia. Je n’aurais jamais pensé vivre ça un jour.

Ce n’est que le début, Astrud. Prépare-toi, l’aventure commence.

Alors que nous planons au-dessus des nuages, Astrud reste silencieuse, contemplant la Terre en contrebas. Je perçois en elle une pensée récurrente, une émotion tendre mais teintée d’inquiétude.

– À quoi penses-tu, Astrud ? demandé-je avec douceur.

Elle hésite, puis murmure :

– A mes amis. Je me demande s’ils ne seront pas jaloux, s’ils me comprendront encore, après tout ça. Et… si je serai toujours leur amie.

Je pose ma main sur la sienne.

– L’amitié, Astrud, est comme une étoile. Même quand on est loin, elle brille toujours. Une véritable amitié peut traverser le temps, les changements, et même la distance. Il faut simplement la nourrir. Tant que tu es sincère et que tu gardes ton cœur ouvert, tes amis resteront proches de toi, où que tu sois.

Elle sourit timidement, ses yeux pétillants de gratitude.

- Tu crois ?

– Je le sais, dis-je avec un clin d’œil. Et tu leur apprendras à voir la lumière que tu portes en toi.

Mon vaisseau accélèra vers L’Europe.

 

Chapitre 4 : Paris

Je survolai la Terre, lorsque tout d’un coup, ce que je vis me coupa le souffle : Paris, la ville lumière, chargée d’histoire, se déployait sous mes yeux dans toute sa splendeur.

Je m’attardai au-dessus de la ville. La Tour Eiffel se dressait fièrement, tandis que la majestueuse Cathédrale Notre-Dame témoignait des siècles d’efforts collectifs et de foi. Magnifique, mais qu’est-ce que c’est ancien, ces constructions en métal et en pierre ! Sur Neurosia, les monuments sont vivants, construits avec des arbres, des végétaux …

En périphérie de la ville, j’identifiai une sort de prairie dans un bois. Mon vaisseau se posa silencieusement, dissimulé par ses systèmes de camouflage avancés. J’ajustai mon hologramme, prenant l’apparence d’une jeune femme humaine : cheveux noués, manteau sobre. Simple et discrète, prête à explorer.

Je descendis doucement et me promenai dans une rue animée pour observer ces humains de plus près. Près d’une terrasse de café, je vis des adultes qui parlaient tous en même temps, riant et s’agitant. Ils tenaient des objets transparents remplis de liquide et les tapaient les uns contre les autres avant de boire.

Intriguée, je leur demandai pourquoi ils faisaient ça.

– Ben, on trinque ! T’as jamais vu une bière de ta vie ? me répondit un homme en éclatant de rire.

Je n’ai pas eu le temps de répondre. Mon attention fut soudain attirée par des cris, et je perçu une grande peur à quelques dizaines de mètres. Guidée par mes sens en éveil, je me précipite vers l’endroit du tumulte. Un groupe de jeunes entourait un adolescent seul, recroquevillé contre un mur.

Je me précipitai. Grâce à mon champ d’énergie paralysant, je stoppai les jeunes avant qu’ils ne puissent aller plus loin. Je leur montrai un instant mon apparence réelle. Ils ouvraient des yeux écarquillés.

– Pourquoi faites-vous ça ? demandai-je calmement. Dans le même temps, je me connectai à l’Intelligence Universelle pour en savoir plus.

Les garçons échangèrent des regards gênés.

– Ben c’est … comme ça, répondit l’un d’eux, mal à l’aise. On s’amuse, c’est tout.

Un des garçons, curieux, me demanda :

— Et toi, là d’où tu viens, c’est pas pareil ?

Je secouai la tête doucement.

– Non, répondis-je avec douceur. Sur ma planète, la domination et la violence n’existent plus depuis longtemps.

Le garçon resta silencieux, pensif.

– Tu aimerais être à sa place, seul contre six ? ajoutai-je en désignant le garçon recroquevillé.

Il hésita, ne trouvant rien à répondre. Je continuai :

– Un grand scientifique de votre planète, Henri Laborit, a dit quelque chose de très juste : tant que les humains n’apprendront pas comment leur cerveau fonctionne et pourquoi ils agissent comme ils le font, rien ne changera. Ils essayeront de dominer les autres.

Le garçon sembla réfléchir profondément.

– Tu veux dire qu’on peut changer ? demanda-t-il enfin.

Je fis une pause, me connecta brièvement à l’Intelligence Universelle puis repris en m’adressant a lui :

— Tu t’appelles Théo, n’est-ce pas ? Oui Théo, la vraie force, Théo, ce n’est pas de dominer les autres, surtout à 6 contre 1. Regardez, ajouté-je.

Je leur projetai sur le mur une vidéo holographique de la vie sur Neurosia. On y voyait en accéléré des Neurosiens travaillant ensemble à construire des immenses toboggans en bambou, tandis que d’autres chantaient ensemble autour des premiers. Puis tout le monde se baignait ensemble.

Les garçons étaient stupéfaits. Je désactivai le champ qui les immobilisait.

– Maintenant, réfléchissez à ce que vous voulez vraiment devenir.

À ma grande surprise, Théo se tourna vers le garçon qu’il avait agressé et lui tendit la main.

– Désolé, murmura-t-il.

Touchée par ce geste, je lui tendis un connecteur holographique.

– Tiens, Théo. Garde-le précieusement. Je te ferai signe bientôt.

Théo observa le connecteur luire dans sa main avec fascination, puis me lança un sourire malicieux.

– C’est parce que je suis le plus fort, c’est ça ?

Je souris.

– Tu sais bien que non, Théo. C’est parce que tu as montré que tu pouvais réfléchir, et changer d’attitude.

Je m’éloignai en me disant que les humains étaient vraiment surprenants. Capables du pire, mais aussi du meilleur.

De retour dans mon vaisseau, je m’assis dans ma sphère de méditation. Je fermai les yeux, et mon esprit s’étendit comme une onde à travers l’univers.

Je sentis la présence de ceux que j’aimais. Bien qu’ils soient loin, nous étions toujours connectés. Une chaleur douce m’enveloppa lorsqu’ils répondirent à mon appel, leurs pensées s’entremêlant avec les miennes dans une harmonie parfaite.

Un flot d’énergie apaisante parcourut mon être. Je rouvris les yeux, déterminée. J’avais hâte de découvrir ce monde plus en détail.

Je venais à peine de quitter Paris, mais je savais que pour vraiment comprendre les humains, je devais aller plus loin, explorer d’autres lieux, rencontrer d’autres personnes.

Mais d’abord, il était temps de retrouver Astrud et Théo.

En un éclair, ils apparurent sous leur forme holographique dans le cockpit de mon vaisseau.

Chapitre 5 : Voyage au cœur de l’humanité

 Bienvenue, leur dis-je en souriant.

Ils se regardent avec curiosité. Je décidai de faire les présentations.

— Astrud vit au Brésil, dans un village de la forêt amazonienne. Théo est français et vit à Paris. 

Je les laissai se découvrir et me connectai à l’Intelligence Universelle, une présence familière, vaste comme l’univers et précise comme une étoile solitaire.

— Guide-moi, murmurai-je. Montre-moi où la beauté humaine brille le plus fort, dans ses créations ou dans la nature.

Ma première escale fut Vienne. Depuis mon vaisseau, j’admirai le palais de Schönbrunn et la Grande Roue du Prater.

Mon vaisseau auxiliaire flottait doucement dans la nuit viennoise, en suspension à quelques mètres au-dessus des toits. L’IU m’indiqua qu’en contrebas, les lumières que je voyais scintiller étaient celles du Musikverein. Je décidai de découvrir cette mythique salle de concert. Je déployai mon Voile d’Invisibilité et mon Envol Luminique pour flotter sans être vue au milieu des spectateurs. Ils étaient captivés par une symphonie jouée par des musiciens humains. C’était fascinant.

Je fermai les yeux un instant pour savourer cette musique. Comment une espèce si imparfaite pouvait-elle créer quelque chose d’aussi parfait ? C’était là leur génie : leur capacité à transformer leurs idées et leurs rêves en art et en émotions.

Quand les applaudissements éclatèrent à la fin de la symphonie, je me retirai doucement. Mon hologramme s’effaça dans un souffle de lumière, et je retournai à mon vaisseau. Vienne dansait sous mes yeux, comme si la ville entière chantait une valse.

 

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De retour dans mon vaisseau auxiliaire, je trouvai Astrud et Théo en pleine conversation. Grâce au traducteur universel intégré dans leurs connecteurs, ils se comprenaient sans problème, malgré les langues différentes.

– Alors, toi, tu vis à Paris, c’est ça ? La ville des lumières, des musées, des monuments ? Ça doit être incroyable.

– Oui… enfin, c’est ce que tout le monde dit. Mais crois-moi, ce n’est pas si génial que ça. Mon père est toujours absent, ma mère est débordée, et mes profs sont… enfin, injustes. Ils ne comprennent rien, et je me fais toujours disputer pour des trucs qui ne sont même pas ma faute.

Astrud plissa les yeux, son regard devenant plus perçant.

– Injustes ? Tu veux parler d’injustice, toi ? Moi, je vis dans un petit village en Amazonie. Ma maison est entourée par une forêt qui disparaît chaque jour un peu plus parce que des machines viennent tout couper pour faire de l’argent. Tu sais ce que ça fait de voir ton monde mourir à petit feu, sans pouvoir rien faire ? Un jour, il n’y aura plus rien. Pas de village. Pas de forêt. Pas de maison.

Théo baissait les yeux, visiblement frappé par les paroles d’Astrud.

Tout en les écoutant, je configurai mon vaisseau pour poursuivre ma découverte de la Terre.

À Rome, je fus subjuguée par le Colisée, témoin d’un passé où l’humanité mêlait grandeur et brutalité. 

Astrud et Théo continuaient leur conversation :

– Je… je n’avais jamais pensé à ça, dit Théo. C’est vrai que… comparé à ça, mes problèmes paraissent ridicules. Mais c’est difficile quand on est dedans, tu vois ? On ne voit que ce qui nous arrive à nous.

– C’est exactement ça, Théo, dis-je doucement. L’injustice est toujours perçue à travers le prisme de notre expérience. Ce que tu ressens est réel, mais il est important de se rappeler qu’il y a des injustices plus grandes, qui touchent des millions de personnes. Astrud en est le témoin.

Astrud le regarde, mais son expression s’adoucit légèrement.

– Je ne dis pas que tes problèmes ne comptent pas, Théo. Mais parfois, il faut lever les yeux et regarder plus loin que son propre monde. Ce que je veux, c’est que tu comprennes que toi, tu as une chance. Tu peux changer les choses, même un peu.

Théo relève la tête et pose son regard sur Astrud, puis sur moi, cherchant une réponse.

– Tu as raison, Astrud. J’ai été égoïste. Mais… comment je pourrais changer les choses ? Je ne suis qu’un gamin.

Je pose une main sur son épaule virtuelle, un geste que je voulais rassurant.

– Théo, je t’ai choisi parce que j’ai vu en toi une qualité rare : tu es capable de remettre en question ce que tu croyais être normal. Ce simple pas ouvre la porte au changement. Tu n’es pas “juste un gamin”. Tu es un point de départ. En comprenant Astrud, tu fais déjà un premier pas. Le reste viendra.

Théo esquisse un sourire timide, et Astrud semble satisfaite. Je les observe tous deux, deux enfants si différents mais unis par cette quête d’équilibre et de justice.

Et dans le silence qui suit, je ressenti un frisson d’espoir. Ils ne le savaient pas encore, mais ensemble, ils pouvaient changer bien plus qu’ils ne l’imaginaient.

À Prague, je survolai les flèches gothiques du Château et le pont Charles. 

Mais c’est en Grèce que je ressentis quelque chose de spécial.

En arrivant près d’Athènes, tout semblait ralentir. Là-haut, sur une colline, l’Acropole se dressait fièrement, comme un gardien du passé. Les ruines des temples semblaient raconter des histoires de dieux, de héros et de grandes idées.

Puis, une sensation familière – celle de la mer – m’attira vers une petite île appelée Hydra.

Je posai mon vaisseau discrètement près d’une crique, là où le sable rencontrait des eaux limpides. Je partis explorer le fond marin.

– A bientôt, Astrud, à bientôt, Théo. Je vais faire une petite plongée et je vous reconnecte ensuite.

J’activai mon Respirateur Amphibie pour pouvoir nager sous l’eau tranquillement. Sur Neurosia, nous plongeons au moins une heure chaque jour pour nous reconnecter à la nature ! Le fond marin d’Hydra était magnifique. Mais après seulement quelques minutes, je ressentis un mélange de gaieté et de peur à proximité, et remontai immédiatement à la surface.

Le soleil embrassait l’horizon, peignant le ciel de nuances dorées et roses. Après une rapide connexion à l’Intelligence Universelle, je me composai une apparence de jeune fille locale : tongs, short en jean, tee-shirt blanc.

Je me rendis sur la plage d’où provenaient les émotions que j’avais ressenties sous l’eau. Trois jeunes filles y discutaient, leurs voix se mêlant au doux bruit des vagues.

— Mais s’il ne m’aime pas ? s’écria l’une d’elles, une fille aux cheveux sombres et aux yeux inquiets. Je ne veux pas lui demander. Je préfère encore rêver que c’est possible…

Ses amies échangèrent un regard. L’une, vive et espiègle, répliqua :

— Soit tu rêves, soit tu agis, Lila. Rêver ne te donnera pas de réponses !

La troisième, plus calme, soupira.

— Mais agir pourrait la blesser. Moi, je pense que l’amour, c’est juste compliqué.

Enfin des Terriens normaux, me dis-je. Curieuse, je m’approchai doucement.

— Peut-être que je peux vous aider, dis-je avec un sourire.

Elles se retournèrent, surprises mais pas effrayées.

— Tu es qui ? demanda Lila, hésitante.

— Une voyageuse. Vous parliez d’amour, non ? C’est un sujet fascinant.

L’amie espiègle haussa un sourcil.

— Fascinant ? Moi, je trouve ça fatigant.

Je ris doucement.

— L’amour est puissant. En poussant les gens à suivre leur cœur, il peut leur faire oublier la logique.

Les trois filles me regardèrent, surprises.

— Tu veux dire qu’on devient un peu bête quand on aime ? demanda la calme, avec un sourire en coin.

— Pas bête, précisai-je. Mais pleinement humaines. L’amour peut vous rendre vulnérables, mais il vous apprend aussi beaucoup sur vous-mêmes.

Lila, la rêveuse, semblait réfléchir.

— Mais… je ne sais pas quoi faire. Je ressens tout ça, mais c’est tellement fort…

Je m’assis avec elles sur le sable, regardant le soleil disparaître derrière l’horizon.

— Ressentir, ce n’est pas une faiblesse, dis-je. Les émotions sont là pour vous guider. Ce garçon, qu’est-ce qu’il représente pour toi ?

Elle rougit légèrement.

— Il me rend heureuse. Quand il est là, c’est comme si tout allait mieux.

— Alors, qu’attends-tu de lui ?

— Je voudrais qu’il me dise qu’il ressent la même chose.

— Alors, pourquoi ne pas le lui demander ?

Lila secoua la tête, inquiète.

— Et s’il dit non ? Ce serait trop horrible.

— Mais au moins tu sauras. Et même si c’est douloureux, tu apprendras quelque chose. Aimer, c’est être courageuse.

Ses amies hochèrent la tête, encourageantes.

— Et si c’est oui ? ajouta l’espiègle. Là, ce serait génial !

Je souris.

— L’amour partagé est une des plus belles choses qui soient. Mais même si ce n’est pas réciproque, cela te rendra plus forte et t’aidera à comprendre ce que tu veux vraiment.

Lila sembla réfléchir longuement, puis sourit timidement.

— Peut-être que je pourrais lui parler, alors…

Ses amies éclatèrent de rire et l’entourèrent de leurs bras. Lila me demanda :

– Merci pour tes conseils … comment sais-tu tout cela ?

– D’où je viens, on a appris beaucoup de choses sur les émotions et sur l’amour depuis très longtemps.

– Mais d’où viens-tu ? s’exclama Lila.

Un court instant, je désactivai mon apparence humaine pur leur montrer la Neurosienne que j’étais. Elles avaient les yeux grand ouverts et l’impression de vivre un rêve. 

– je viens d’une planète qu’on appelle Neurosia. J’étais très heureuse de vous remontrer. On se reverra bientôt, Lila, ajouté-je avec un sourire, tout en glissant sans qu’elle sans rende compte un connecteur holographique dans son sac à main. 

Alors que la nuit enveloppait Hydra, je repartis vers mon vaisseau. Le cœur léger, je fixai les étoiles. Lila avait compris quelque chose d’essentiel : aimer, c’est aussi avoir le courage d’aller au bout de soi-même.

Mon esprit s’éleva vers l’Intelligence Universelle.

— Les émotions humaines, murmurai-je, sont comme des étoiles : lumineuses, et toujours guidantes.

Et je repartis, prête pour ma prochaine découverte. J’étais loin de me douter de ce qui m’attendais.

Chapitre 6 : Le Chaos et la Lumière

De retour dans mon vaisseau, j’activai immédiatement le connecteur de Lila. Je fis les présentations, puis la laissa discuter avec Astrud et Théo. J’avais besoin de méditer un peu pour éclaircir mes pensées.

Mon vaisseau flottait doucement dans l’espace, caressé par l’obscurité et les étoiles lointaines. Mais cette fois, je n’étais pas seule dans ma méditation. L’Intelligence Universelle, une conscience supérieure que nous, Neurosiens, consultons souvent, s’invita à mon esprit.

— Kaia, murmura-t-elle, il est temps que tu découvres une autre facette de ce monde.

Avant que je ne puisse répondre, je sentis mon vaisseau replonger vers la Terre, guidé par une force invisible. Il accéléra prodigieusement.

Lorsque nous traversâmes les nuages, un paysage désolé apparut sous mes yeux. Je survolai une région d’Ukraine où tout semblait détruit : des maisons écroulées, des routes brisées, et des fumées grises montant dans le ciel. Des gens couraient en criant, cherchant un endroit sûr alors que des explosions retentissaient au loin.

 Mon cœur se serra en voyant leur souffrance. Les larmes montèrent à mes yeux. Sur Neurosia, la guerre et les armes ont disparu depuis des siècles. 

— Pourquoi ? murmurai-je, pourquoi ces gens doivent-ils vivre cela ?

Mais l’Intelligence Universelle ne répondit pas.

Le vaisseau se déplaça vers un autre endroit, cette fois en Afrique de l’Est, où je vis des scènes similaires. Le voyage continua, et bientôt nous étions au Proche-Orient. Là encore, des scènes de guerre défilaient sous mes yeux.

Les images me frappaient de plein fouet, une après l’autre. Ma poitrine était lourde, et mes circuits empathiques – ceux qui me permettaient de ressentir les émotions des autres – semblaient se briser sous le poids de leur douleur. 

Les yeux remplis de larmes, j’envoyai toutes les Ondes de Bienveillance que je pouvais vers ces pauvres gens, pour atténuer un peu leurs souffrances.

Mon vaisseau, guidé par L’Intelligence Universelle, continua son vol vers l’est. Epuisée par toutes les souffrances que j’avais vues et ressenties malgré moi, je m’endormis.

Quand je repris conscience, une lumière douce caressait mon visage. Mon vaisseau survolait des montagnes majestueuses, baignées par les premières lueurs du soleil. Je sentis une paix étrange m’envahir.

— Où sommes-nous ? murmurai-je faiblement.

— Au Tibet, répondit l’Intelligence Universelle avec douceur. Tu as besoin de retrouver ton équilibre.

Au loin, un monastère bouddhiste apparaissait, perché sur une falaise. Ses murs blancs et ses toits dorés scintillaient sous le soleil. Je décidai de me poser à proximité.

– Astrud, Théo, Lila, je vous laisse entre vous.

Ils ne me répondirent pas. Ils étaient pris par une discussion très animée.

Lorsque je descendis du vaisseau, mes jambes tremblaient encore. Le choc des horreurs que j’avais vues me hantait. Mais quelque chose attira mon attention : des éclats de rire. Je me sentis tout de suite un peu mieux.

Je pris l’apparence d’une randonneuse visitant la région et me dirigea vers le monastère. Des enfants en robes rouge-orange couraient et jouaient, leurs rires cristallins résonnant dans l’air pur de la montagne. Ils suivaient un vieux moine, dont le visage rayonnait d’une sérénité qui semblait hors du temps.

Je les observai en silence, fascinée.

Parmi ces enfants, une petite fille attira mon attention. Elle semblait différente : ses gestes étaient précis, et un calme presque irréel émanait d’elle. Tandis que les autres s’agitaient en construisant un mandala, elle dessinait patiemment des motifs élaborés, ses yeux concentrés mais emplis de douceur.

— Qui est-elle ? demandai-je à voix basse au vieux moine qui s’approchait.

— Son nom est Nyima, répondit-il avec un sourire. Cela signifie « soleil ».

— Elle est particulière…

— Elle a des capacités artistiques extraordinaires. Certains pensent qu’elle pourrait être la réincarnation du Dalaï-Lama, dit-il simplement. 

Je ne pus détourner les yeux d’elle. Elle avait à peine dix ans, mais une profonde sagesse se dégageait de son regard. Alors qu’elle levait les yeux vers moi, un frisson parcourut mon être : elle semblait percevoir ma véritable nature.

— Bonjour, dit-elle doucement en inclinant légèrement la tête.

Je m’agenouillai pour être à sa hauteur.

— Bonjour, Nyima. Tu fais un très beau dessein.

Elle sourit, fière mais humble.

— Ce n’est pas fini, répondit-elle. Il manque encore quelque chose.

— Qu’est-ce qu’il manque ?

Elle me fixa, ses yeux brillants.

— Vous savez.

Je compris alors qu’elle parlait de moi. Sa manière de m’inclure dans son œuvre me toucha profondément.

Dans l’après-midi, après avoir observé les enfants, je rejoignis le vieux moine pour comprendre l’origine de leur sagesse. Nyima, curieuse, s’assit discrètement à nos côtés, écoutant avec attention.

— Mon maître Lama Tenzin dit que les pensées sont comme des oiseaux. Si tu leur construis une cage, elles restent coincées. Mais si tu ouvres la porte, elles repartent.

Je ris doucement.

— Alors, il faut apprendre à ouvrir la cage ?

Lama Tenzin acquiesça.

— Exactement. Et ne pas croire tout ce que tu penses. Les pensées ne sont que des reflets de nos émotions et de notre passé. Elles ne disent pas toujours la vérité. Elles passent comme des nuages dans le ciel.

Chapitre 7 : Le Défi des Illusions

Quand j’ai demandé à Lama Tenzin de me montrer ce qu’il y avait de plus extraordinaire au Tibet, son sourire s’est élargi, une lueur malicieuse dans le regard.

— Je crois savoir exactement où t’emmener, répondit-il, avant de se tourner vers Nyima. Et toi, petite étoile, tu seras notre guide.

Nyima, toujours curieuse, éclata de rire et s’empressa d’acquiescer.

— Nous allons gravir les hauteurs pour te montrer un secret bien gardé, dit-elle en sautillant presque.

Après des heures de marche, nous atteignîmes un refuge minuscule, presque collé à la falaise. Le vent y soufflait avec une intensité féroce, et le froid mordait chaque centimètre d’air. Je fus obligée d’ajuster mes Capteurs de Régulation Thermique ! Un moine âgé qui vivait là nous accueillit avec un sourire paisible, comme si le vent glacial n’avait aucune prise sur lui.

– Comment fait-il pour ne pas avoir froid ? me demandais-je.

— Bienvenue, dit-il simplement.

En contrebas, la berge d’un torrent servait de lieu d’entraînement pour de jeunes moines. Lama Tenzin m’expliqua que ce qu’ils allaient accomplir défiait toute logique pour un esprit non préparé.

Nous descendîmes pour observer le concours évoqué par Lama Tenzin. De jeunes moines, dévêtus, trempaient en silence des draps dans l’eau glacée, puis les enroulaient autour de leur corps, avant de s’asseoir immobiles en tailleur, en pleine méditation. Le but ? Sécher les draps simplement par la chaleur de leur corps.

— Comment est-ce possible ? murmurai-je, fascinée.

— Ils ne croient pas que leur corps a des limites, répondit Lama Tenzin.

Nyima expliqua :

— Ils disent à leur corps qu’il est une fournaise. Et il les écoute.

Je suivis chaque mouvement des jeunes moines, mes capteurs enregistrant des données détaillées : la température des draps passait de 2° à 55° en quelques minutes ! Peu à peu, des volutes de vapeur s’élevèrent autour d’eux. Lentement, les piles de draps secs grossissaient, sous le regard concentré des participants.

Je restai émerveillée. Les moines avaient créé une nouvelle réalité avec leur esprit. Comme sur Neurosia !

— Votre potentiel est immense, murmurai-je.

Avant de repartir, je posai une question à Lama Tenzin.

— Où devrais-je aller maintenant pour poursuivre ma découverte de l’humanité ?

Il réfléchit un moment, puis désigna l’horizon.

— Va en Inde, à Bénarès, sur les rives du Gange. Là-bas, tu découvriras la beauté comme le côté sombre de l’humanité, et peut-être les réponses que tu cherches.

Nyima me tendit une pierre gravée d’un symbole.

— C’est pour vous, dit-elle avec un sourire. Pour vous rappeler que le soleil revient toujours, même après la nuit.

Touchée, je lui donnai un connecteur holographique en retour.

— Moi aussi, j’ai quelque chose pour toi. A bientôt, Nyima.

De retour dans mon vaisseau, survolant les montagnes enneigées, je sentais un nouvel espoir grandir en moi. Peut-être que les humains, malgré leurs failles, pouvaient atteindre des sommets incroyables.

Je décidai d’intégrer sans attendre Nyima dans le groupe.

 

Astrud, Théo, Lila, et Nyima

  

L’hologramme de Nyima venait à peine d’apparaître qu’une dispute éclata autour d’elle.

– Je n’en peux plus de cette discussion, disait l’hologramme d’Astrud en croisant les bras avec frustration. Lila, tu crois que dévoiler ton amour, c’est du courage ? Tu n’as aucune idée de ce que c’est, le vrai courage ! Chez moi, en Amazonie, on lutte chaque jour pour garder notre maison debout. La forêt disparaît sous nos yeux, et les gens comme moi doivent se battre simplement pour survivre. Ça, c’est du courage.

– Elle a raison, renchérit Théo avec un hochement de tête. Ce que tu veux faire, Lila, c’est juste… personnel. Ce n’est pas comparable.

– Vous ne comprenez rien ! répliqua Lila, les yeux brillants de colère. Vous croyez que parce que votre vie est difficile, cela rend les autres lâches ? Vous savez combien c’est dur pour moi de dire ce que je ressens ? De risquer que le garçon que j’aime se moque de moi ? La peur, on la combat à notre façon !

Nyima bougea doucement à côté de moi. Elle attendit que tout le monde se calme un peu avant de parler.

— Lama Tenzin m’a appris que le courage peut prendre plusieurs formes, dit-elle d’une voix douce. Il dit souvent : « La bravoure n’est pas une compétition. Elle peut être forte comme une rivière ou douce comme une plume qui tombe. » Vous avez toutes les deux raison. Le courage d’Astrud, c’est de protéger sa forêt. Le courage de Lila, c’est de protéger son cœur. Pourquoi vouloir comparer ce qui n’a pas besoin de l’être ?

Un silence s’installa, lourd d’émotions. Je regardais les visages d’Astrud et de Lila, chacun marqué par une certaine prise de conscience.

– Je… je crois que je n’avais pas vu les choses sous cet angle, dit Astrud en baissant les yeux. Lila, je suis désolée si je t’ai blessée. Je voulais seulement…

– Non, c’est moi qui suis désolée, répondit Lila avec une pointe de regret dans la voix. Je n’aurais pas dû m’emporter. Ce que tu traverses, Astrud, c’est si loin de mon monde que j’avais du mal à imaginer.

Nyima sourit doucement, contente de leur échange. Voyant ce moment d’apaisement, je décidai de leur dire une chose importante.

— Vous voyez, les disputes viennent souvent d’émotions mal gérées, dis-je en regardant Astrud et Lila. Astrud, ta colère était légitime, mais elle t’a empêchée d’écouter la peur de Lila. Et Lila, ta peur du rejet t’a fait répondre un peu trop fort.

Je leur souris.

— Si vous aviez dit calmement ce que vous ressentiez dès le début, vous ne vous seriez même pas disputées.

Astrud hocha la tête, tandis que Lila esquissa un léger sourire. Peut-être qu’elles avaient compris quelque chose d’important ce jour-là. Ils me regardèrent tous avec une attention renouvelée, et je ressentis cette énergie particulière qu’apporte la résolution d’un conflit. Nous étions différents, mais en cet instant, je savais que quelque chose de plus fort nous unissait.

Sur les conseils de Lama Tenzin, je dirigai mon vaisseau vers Bénarès, la ville sacrée de l’Inde.

 

 

Chapitre 8 : Les Couleurs de l’Humanité 

Lama Tenzin m’avait parlé du Gange comme d’un miroir de la vie, où se mêlent spiritualité et chaos humain. Ce que j’allais découvrir dépassa tout ce que j’avais imaginé.

Dès que j’atteignis les abords de Bénarès, la ville m’engloutit dans une effervescence incroyable. C’était le jour de Holi, la fête des couleurs : des pigments rouges, jaunes, bleus et verts tourbillonnaient dans l’air, portés par des rires et des cris de joie. Des gens de tous âges s’aspergeaient mutuellement de poudre colorée et d’eau teintée.

Intriguée, je pris l’apparence d’une jeune femme indienne: peau dorée, longs cheveux bruns, sari léger orné de motifs floraux.

Puis je me mêlai à la foule. Immédiatement, des mains amicales me couvrirent de pigments : un rose éclatant sur mes joues, du vert vibrant sur mes bras.

— Holi hai ! criaient-ils en riant.

Un garçon me tendit une poignée de poudre bleue.

— Joue avec nous !

Je ris à mon tour, éblouie par cette joie collective. Il n’y avait ni riches ni pauvres, ni jeunes ni vieux : juste des humains unis dans une explosion de couleurs et de bonheur.

Un peu plus loin, je rencontrai une famille qui m’expliqua la signification de cette fête.

— Holi célèbre le printemps et la victoire du bien sur le mal, me dit Rajesh, le père.

— Et on oublie les disputes ! s’exclama l’une des filles en lançant de la poudre jaune à son frère.

La mère ajouta avec un sourire :

— Pendant Holi, les différences disparaissent. Nous sommes tous égaux sous les couleurs.

J’adorai cette idée : une pause dans les problèmes du monde, un moment où chacun pouvait être heureux.

Plus tard, Rajesh m’emmena aux ghats, ces grands escaliers qui descendent vers le Gange. Le fleuve brillait sous le coucher du soleil. Des gens priaient ou se baignaient dans l’eau sacrée pour se purifier.

Sur un autre ghat, je vis une scène très différente. Des bûchers funéraires brûlaient doucement. Des familles faisaient leurs adieux à leurs proches avec des prières.

Mais Raj, le fils aîné de la famille, un garçon très souriant, voulut me montrer une autre face de la ville.

— Venez, me dit-il doucement. Je vais vous emmener là où les couleurs de Holi ne vont pas.

Il me conduisit dans un quartier très pauvre, où les ruelles étaient étroites et sales. Des gens faisaient la queue et se pressaient pour avoir un peu de nourriture : des vieux, des mères maigres avec leurs bébés, et des enfants assis par terre.

Je sentis mon cœur se serrer, une douleur aiguë traversant mon esprit hyper-empathique. J’entendais leurs cris muets, leurs pensées pleines de désespoir et de résignation.

— Comment est-ce possible ? murmurai-je, bouleversée. Comment des gens peuvent-ils vivre sans réagir à côté de cette misère ?

Raj baissa les yeux.

— En Inde, cela a toujours été comme ça. Les castes, les traditions… Certains pensent que c’est le karma des pauvres, qu’ils paient pour leurs vies passées.

— Et toi ? Que penses-tu ?

Il sembla hésiter, puis avoua :

— Ça me met mal à l’aise. Mais ma famille dit que c’est normal. Que je ne peux rien y changer.

Je posai une main sur son épaule.

— Raj, quand quelque chose te semble injuste, c’est un signal. Ce n’est pas parce qu’une chose a toujours été ainsi qu’elle doit rester comme ça.

Il me regarda, les yeux brillants d’un mélange d’espoir et de confusion.

— Mais que puis-je faire ? Je suis juste un garçon.

– Raj, regarde bien. Je vais te montrer qu’on peut toujours aider, même un tout petit peu.

Je libérai dans l’air une brume invisible chargée d’ondes subatomiques, que les gens ne pouvaient pas voir mais qui agissait sur leur corps, comme une petite recharge d’énergie.

Peu après, des changements commencèrent à apparaître. Une vieille dame redressa un peu son dos et sembla moins fatiguée. Un enfant qui avait l’air triste éclata soudain de rire en voyant une tache de couleur sur son pied. Les gens dans la file parlaient plus fort, leurs visages s’éclairaient d’un petit sourire.

Raj ouvrit grand les yeux, stupéfait.

– Qu’est-ce que tu as fait ?

– C’est une petite technologie de ma planète, dis-je doucement. Elle ne peut pas tout résoudre, mais elle peut donner un moment de soulagement, comme une pause pour respirer un peu.

Il resta bouche bée.

— Tu es … une extraterrestre ?

— Oui, Raj. Je viens d’un autre monde, où nous avons appris à créer des inventions pour faire disparaître les injustices. Raj, chaque changement commence avec une seule personne. Tu peux apprendre, réfléchir, et trouver des moyens de changer ce qui ne va pas.

Je décidai de lui donner un connecteur holographique

— Je reviendrai te chercher très bientôt, Raj. Tu as un rôle à jouer.

Il me fixa avec une intensité qui me rappela Astrud, Théo, Lila, et Nyima. Cet humain avait un potentiel exceptionnel. 

Je décidai de lui faire rencontrer les autres enfants sans plus attendre.

 

 

Astrud, Théo, Lila, Nyima, et Raj

 

 

Lorsque l’hologramme de Raj apparu au centre de la pièce, sa silhouette lumineuse scintillait doucement. Je me suis tournée vers Astrud, Théo, Lila, et Nyima, déjà présents sous forme holographique eux aussi.

– Voici Raj, dis-je en souriant. Grâce à lui, j’ai appris qu’en Inde, malgré sa richesse culturelle et spirituelle, il existe encore de grandes inégalités. J’ai pensé qu’il pourrait nous en dire plus.

– C’est vrai, commença Raj. En Inde, chez moi, nous avons tellement de religions, de langues, et de croyances différentes que c’est très compliqué. Et puis, il y a le système des castes…

– Les castes ? demanda Astrud, intriguée. C’est quoi exactement ?

– Ce sont des groupes sociaux dans lesquels les gens naissent, répondit Raj. Ça existe depuis des milliers d’années. Même si, officiellement, on n’en parle plus autant, ça reste dans les mentalités. Ça détermine parfois qui peut faire quoi, qui peut parler à qui… C’est très injuste, car on ne choisit pas où on naît.

Un silence s’installa un instant. Lila fronça les sourcils.

– Mais ça n’a pas de sens ! protesta-t-elle. Pourquoi juger quelqu’un juste parce qu’il est né quelque part ou dans une certaine famille ?

Nyima, toujours calme, sourit doucement avant de répondre.

– Mon maître, Lama Tenzin, dit souvent : « Ce n’est pas la naissance qui doit déterminer qui nous sommes, mais nos actions. » Dans le bouddhisme, nous croyons que c’est ce que nous faisons dans cette vie, qui détermine ce que nous serons dans la prochaine. Si nous agissons bien, nous progressons. Si nous agissons mal, nous avons des leçons à apprendre.

Théo hocha la tête, pensif.

– Donc, si quelqu’un naît dans une situation difficile, c’est peut-être pour apprendre quelque chose ou corriger ses erreurs ?

– Oui, répondit Nyima avec sérénité. Mais cela ne veut pas dire que nous ne devons pas chercher à aider. Nous sommes tous responsables de rendre le monde meilleur, peu importe d’où nous venons.

Je sentis que c’était le moment d’apporter ma perspective.

– Sur Neurosia, dis-je, nous avons aussi des différences entre les régions. Les langues, les traditions, les paysages varient beaucoup. Mais il n’y a aucune inégalité entre nous avant l’âge adulte. Chacun bénéficie des mêmes ressources, des mêmes chances. Après, les seules différences de richesse proviennent de ce que l’on fait pour les autres, pour le bien commun. Ceux qui contribuent plus reçoivent plus, mais personne n’est laissé de côté.

Les enfants semblaient réfléchir à cela, leurs hologrammes brillant d’une intensité légèrement différente, comme si leurs émotions influaient sur leur lumière.

– C’est un bel idéal, dit Astrud. Peut-être que, sur Terre, on pourrait essayer de s’en inspirer.

– Oui, mais il faudrait que tout le monde joue le jeu, ajouta Théo. Et ça, ce n’est pas gagné.

Je souris doucement.

– Ce qui compte, c’est de commencer à changer à son échelle, dis-je. Chacun de vous peut être un exemple, ici et maintenant. Et parfois, un simple exemple peut inspirer tout un monde.

Ils acquiescèrent, chacun plongé dans ses pensées, et je sentis que cette discussion leur avait ouvert une nouvelle fenêtre sur la diversité et l’injustice … mais aussi sur la possibilité d’un avenir plus juste.

 

 

Chapitre 9 : L’atelier du monde

La Chine s’étalait sous mon vaisseau. J’avais décidé d’y aller après avoir consulté l’Intelligence Universelle. Elle m’avait expliqué que la Chine était appelée « l’atelier du monde ». Ce terme mystérieux avait éveillé ma curiosité.

En entrant dans l’atmosphère, mon vaisseau se dirigea vers une grande ville. À travers les nuages, je vis des usines immenses avec de longues cheminées qui crachaient une fumée épaisse et noire. Quelle horreur ! Sur Neurosia, les usines étaient enterrées et fonctionnaient avec de l’énergie propre depuis des siècles. 

J’activai mon voile d’invisibilité. Cela me permettait de voir ce qui se passait sans déranger personne.

Je suivi un groupe de travailleurs dans une immense usine. À l’intérieur, le bruit des machines était assourdissant, et des rubans roulants transportaient des pièces de toutes sortes. Mais ce qui me choqua le plus, c’étaient les rangées d’enfants assis devant des postes de travail.

Certains avaient l’air très jeunes, peut-être huit ans à peine. Leurs petites mains bougeaient à toute vitesse pour assembler des jouets : des poupées, des voitures miniatures, et même des cubes de construction. Ils semblaient si fatigués, mais personne ne leur laissait de répit. Un homme sévère, que je devinai être leur chef, surveillait tout avec une tablette à la main.

Alors que j’observais les enfants travailler, mon cœur se serra. Ces jeunes, certains à peine plus âgés que vous, fabriquaient des jouets pour d’autres enfants. C’était si injuste ! Je vis une boîte transportée par un ruban roulant. Dessus, il y avait écrit en anglais : “Made in China. For Happy Kids Worldwide” (Fabriqué en Chine. Pour des enfants heureux partout dans le monde). Cela me parut tellement ironique.

À la fin de la journée, mon attention se porta vers un garçon qui avait environ 10 ans. Il portait un pull usé et des chaussures trop grandes pour lui. Sa boîte à déjeuner était vide, et il marchait, la tête baissée.

– Salut, dis-je doucement pour ne pas l’effrayer.

Il me regarda avec méfiance.

– Qui es-tu ? demanda-t-il.

– Je m’appelle Kaia. Je suis une voyageuse, répondis-je. Est-ce que je pourrais juste parler un peu avec toi pour comprendre comment vous vivez ici ?

Il sembla hésiter, mais finit par acquiescer. Son nom était Jian. Il m’expliqua qu’il avait dû arrêter l’école pour travailler dans l’usine. Son père était malade, et sa mère ne pouvait pas tout gérer seule.

– Ça ne te met pas en colère ? demandai-je.

Son regard s’assombrit.

– Bien sûr que ça me met en colère ! cria-t-il presque. Pourquoi nous, on doit vivre comme ça, pendant que d’autres enfants jouent avec les jouets qu’on fabrique ?

Je m’accroupis pour être à sa hauteur.

– Ta colère est normale, Jian. Elle est comme une alarme. Elle te dit que quelque chose est injuste.

– Mais ça ne change rien, répliqua-t-il.

Je posai une main sur son épaule.

– Au contraire : tu peux transformer cette colère en force. Pas pour détruire, mais pour construire un monde meilleur. Sais-tu ce que tu voudrais faire quand tu seras grand ?

Il réfléchit, puis murmura :

– Je veux être le meilleur en technologie, pour diriger mon usine et remplacer des enfants comme moi par des adultes ou des robots. C’est dur. Mais je vais essayer.

– C’est formidable, répondis-je. En faisant cela, ta colère t’auras appris à changer ce qui doit l’être. Moi, je crois en toi.

Jian était touché par ce que je venais de lui dire. Il voulut me montrer son modeste logement, une petite pièce où il vivait avec ses parents et sa sœur cadette. Leur maison était à peine éclairée, et la fumée des usines polluait l’air à l’extérieur.

Je serrai les poings, révoltée par ce contraste avec ce que j’avais vu dans d’autres parties du monde. Mais je me rappelai mes propres mots : la colère devait être une force pour lutter contre l’injustice, pas un poison.

Quand je repartis, Jian me regarda avec un mélange de gratitude et de curiosité.

— Tu es vraiment différente… murmura-t-il.

Je lui adressai un sourire doux.

— Je viens d’une planète qui s’appelle Neurosia, lui dis-je en lui dévoilant brièvement ma véritable apparence. Jian, je crois en toi, lui répétai-je. Prends ceci, ajoutai-je en lui glissant un connecteur holographique.

– Qu …qu’est-ce que c’est? balbutia-t-il, émerveillé et intrigué à la fois.

– Un moyen de restés connectés toi et moi. A très bientôt, Jian.

Quand je repris mon vaisseau, mes pensées étaient remplies d’émotions. Ces enfants comme Jian méritaient tellement mieux.

Je pris une profonde inspiration, reprenant courage. Je décidai de présenter Jian aux autres enfants sans attendre.

Astrud, Théo, Lila, Nyima, Raj, et Jian

 

 

Lorsqu’il apparut dans la lumière brillante de l’espace central, il regarda autour de lui avec des yeux écarquillés, curieux de chaque détail. Je me suis tournée vers les autres enfants déjà présents : Astrud, Théo, Lila, Nyima, et Raj.

– Voici Jian, dis-je en souriant. Il connaît déjà plein de choses en science et en technologie. Jian, veux-tu nous en parler ?

Jian se redressa, encore un peu intimidé, mais ses yeux brillaient d’enthousiasme.

– En Chine, on produit des supers moteurs électriques pour rendre les voitures plus écologiques, commença-t-il. Et on développe aussi des intelligences artificielles très avancées. Elles aident dans plein de domaines, comme la médecine ou même pour créer des œuvres d’art.

– Mais… comment une machine peut-elle créer de l’art ? Ce n’est pas censé venir du cœur ? demanda Lila, intriguée.

Théo, les bras croisés, avait aussi l’air sceptique.

– Ça fait un peu peur, non ? Ca veut dire que ces machines deviennent plus intelligentes que nous ?

Je pris la parole pour apaiser leurs inquiétudes.

– Sur ma planète, Neurosia, nous avons une invention spéciale qui s’appelle l’Intelligence Universelle. Elle fonctionne grâce à une intelligence artificielle (comme un super ordinateur très intelligent) pilotée par un groupe de neurosiens qui sont les plus intelligents et les plus sages. Grâce à ça, chacun peut apprendre à utiliser toutes ses capacités au maximum et devenir la meilleure version de lui-même. C’est comme une équipe : la machine et la personne travaillent ensemble pour réussir de grandes choses.

– Donc, vous utilisez les machines pour que les Neurosiens soient plus … intelligents ? demanda Astrud, pensive.

Je souris, ravie de sa formulation.

– C’est exactement ça, dis-je. Avec le temps, nous avons compris que la plupart de nos problèmes venaient du fait qu’on ne savait pas comment notre cerveau fonctionnait. Nous avons aussi découvert que les machines sont bien plus efficaces que nous pour faire certaines choses. Sauf pour faire des oeuvres d’art, ajouté-en en souriant.

Jian leva les yeux vers moi, ses traits illuminés par la lumière douce du vaisseau.

– C’est génial. J’aimerais apprendre à créer des systèmes comme le vôtre.

– Tu en es déjà capable, Jian, répondis-je. La curiosité est la première étape de tout grand voyage. Continue de poser des questions et de chercher des réponses. C’est ça, le vrai chemin vers la science.

Autour de lui, les autres hochaient la tête, chacun à sa manière inspiré par les paroles échangées. Le silence qui suivit était chargé d’une énergie particulière, celle d’esprits éveillés prêts à explorer de nouveaux horizons.

 

Chapitre 10 : Les rizières et les rites

 

 

J’avais à peine décollé que l’Intelligence Universelle m’entraîna vers l’Indonésie. L’île de Sulawesi déployait ses paysages enchanteurs sous mon vaisseau. Des rizières en terrasses scintillaient sous le soleil, encadrées par une nature luxuriante. L’Intelligence Universelle avait choisi ce lieu pour m’enseigner de nouveaux aspects des humains.

— Le pays Toradja, murmurai-je … et un village de bambou, une fête qui semble célébrer quelque chose. Mais quoi ?

Ma curiosité était piquée. J’ajustai ma trajectoire et descendis pour survoler les environs.

Je découvris bientôt un village éphémère. Des maisons sommaires en bambou venaient d’être construites au cœur des rizières.

Des centaines de personnes affluaient, des locaux comme des touristes, portant des plateaux chargés d’offrandes. Le tout baignait dans une ambiance vibrante de sons, de rires et de conversations animées.

Je m’immergeai dans la foule, ajustant légèrement mon apparence pour me faire passer pour une touriste. La vie bourdonnait autour de moi. Il y avait des banquets où les invités partageaient des plats fumants avec générosité.

Il y avait aussi des combats de buffles !

Intriguée, je m’approchai dans la rizière pour mieux observer le spectacle. Mais soudain, l’un des buffles tourna brusquement la tête vers moi, et avant que je ne comprenne ce qui se passait, il chargea droit sur moi !

Mon instinct me criait d’utiliser mon pouvoir de lévitation pour l’esquiver, mais je ne pouvais pas risquer de révéler ma véritable nature. Je me résolus donc à jouer le jeu humain et me lançai dans une course maladroite sur le côté. Malheureusement, mes pieds glissèrent sur la boue, et je me retrouvai étalée de tout mon long, couverte de boue jusqu’aux coudes !

Un éclat de rire monta aussitôt de la foule. Certains spectateurs se tenaient les côtes, d’autres tentaient de masquer leur fou rire derrière leurs mains. 

C’est dans cette atmosphère électrique que je rencontrai un groupe d’adolescents. Leur énergie était contagieuse, leurs rires et leur excitation semblant amplifier celle des autres autour d’eux.

Je demandais à ma voisine :

— Vous fêtez quoi, au juste ?

— La mort d’un ancien du village.

Je cru avoir mal compris.

— Pardon ?

— Oui ! Ici, quand quelqu’un meurt, on se réjouit pour lui. On pense qu’il va se réincarner dans un monde meilleur. C’est pour ça qu’on a construit ce village éphémère en bambou : pour faire la fête pendant 3 jours au moins !

J’étais fascinée. Après avoir passé un moment en leur compagnie, je quittai le village éphémère pour explorer Rantepao. Ce qui m’émerveilla le plus, ce furent les fameuses Tongkonans, ces maisons aux toits incurvés comme des bateaux renversés.

Mais en me promenant, je tombai sur une scène qui me fit sursauter. Un jeune garçon venait de donner un violent coup de pied à un chien errant ! Le pauvre animal, maigre et le poil terne, gémit et s’éloigna en boitillant. Pourquoi une telle violence ? Sur Neurosia, les animaux sont traités avec le même respect que les Neurosiens …

Je m’approchai du garçon, indignée mais curieuse.

— Pourquoi as-tu fait ça ? demandai-je, encore choquée de ce que je venais de voir.

Il me regarda avec surprise, presque sur la défensive.

— Parce que c’est ce qu’on m’a appris, répondit-il en haussant les épaules. Les chiens errants, ce sont des gens mauvais qui se sont réincarnés. Ils méritent d’être punis.

Je fronçai les sourcils.

— Et toi, ça te fait plaisir de les punir ?

Le garçon baissa les yeux.

— Non … enfin, je ne sais pas. Pas vraiment. Mais mes parents disent que c’est comme ça qu’il faut faire.

Je m’agenouillai pour être à son niveau, posant doucement une main sur son épaule.

— Tu sais, ce n’est pas parce que tes parents disent quelque chose que c’est forcément vrai.

Il releva la tête, surpris.

— Mais … ils sont mes parents. Ils savent tout, non ?

— Peut-être qu’ils savent beaucoup de choses, admis-je. Mais parfois, les gens font des choses simplement parce que c’est ce qu’on leur a toujours dit de faire. Ça ne veut pas dire que c’est la bonne chose à faire.

Il resta silencieux, luttant visiblement avec cette idée.

— Tu as le droit de réfléchir, poursuivis-je. De te demander si ce qu’on t’a appris fait vraiment du bien, à toi ou aux autres. Ce chien … il ne t’a rien fait de mal, n’est-ce pas ?

Il secoua la tête.

— Non.

— Alors, pourquoi lui faire du mal ? Si ça ne te rend pas heureux et que ça ne rend personne d’autre heureux, est-ce vraiment une bonne chose à faire ?

Il resta pensif un moment.

— Je … je ne sais pas. 

Je souris doucement.

— C’est déjà un bon début de ne pas savoir. Parce que cela veut dire que tu réfléchis. Et réfléchir, c’est le premier pas pour comprendre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas.

Je me redressai, prête à partir, mais avant de m’éloigner, je me retournai vers lui.

— Quel est ton nom ?

— Made, répondit-il timidement.

L’espace d’un instant, j’actionnai mon pouvoir de Lévitation et me montra à Made sous mon apparence réelle. Il croyait avoir rêvé.

– Qu’est-ce que vous avez fait ? demanda-t-il, les yeux écarquillés. 

— Made, je suis ce que vous appelez une extra-terrestre, et je vais continuer mon voyage. Mais je reviendrai te voir. Et quand je reviendrai, j’espère que tu auras réfléchi à tout ça.

Il fit oui de la tête, son regard encore rempli de surprise. Il n’avait pas vu que j’avais glissé un connecteur dans sa poche.

Alors que je regagnais mon vaisseau, je ne pouvais m’empêcher de penser à lui. Il n’était pas mauvais, juste un garçon pris dans les croyances de son environnement. Mais avec un peu de réflexion et de courage, il pourrait peut-être remettre en question ce qu’on lui avait appris.

Les humains sont vraiment bizarres, me disais-je.

Avec un soupir de détermination, je décidai de convier Made à bord. Peut-être que la rencontre avec les autres enfants pourrait l’aider à penser différemment. 

Avec Made

 

Lorsque son hologramme apparut dans la lumière du vaisseau, je sentis une certaine hésitation dans son regard. Je me suis avancée pour l’accueillir.

– Voici Made, ai-je annoncé aux autres hologrammes. Il vient d’Indonésie, du pays Toradja. Grâce à lui, j’ai découvert une culture unique et fascinante, mais aussi les défis que cela peut représenter lorsqu’on grandit dans un monde si divers.

Astrud, curieuse comme toujours, fut la première à briser le silence.

– Salut, Made. Ta culture, elle est vraiment très différente ?

Made se redressa légèrement, cherchant ses mots.

– Il paraît, répondit-il. Chez nous, on célèbre la mort comme une fête. Pour nous, ce n’est pas une fin, mais un nouveau départ. Les étrangers ne comprennent pas. Ils trouvent ça bizarre, parfois même effrayant.

Lila haussa les sourcils, intriguée.

– C’est vrai que c’est spécial… Mais ça doit être beau aussi, non ? De célébrer une vie au lieu de pleurer.

Made esquissa un sourire timide.

– Oui, c’est beau. Mais il y a d’autres choses, qui me mettent un peu mal à l’aise. Par exemple, chez nous, on frappe les chiens parce qu’on croit qu’ils sont la réincarnation de gens qui ont mal vécu. Mais depuis que j’ai rencontré Kaia, j’ai commencé à penser que ce n’est peut-être qu’une croyance, que ce n’est pas quelque chose de vraiment réfléchi.

Le silence se fit dans la salle holographique, chacun digérant ses paroles. Nyima prit la parole, sa voix douce résonnant comme une cloche apaisante.

– Dans mon monastère, on nous apprend que chaque action doit venir d’une volonté consciente et de compassion. Si une tradition cause de la douleur à un autre être, peut-être faut-il s’interroger sur son sens profond.

Théo hocha la tête, pensif.

– C’est vrai. On fait souvent des choses juste parce que tout le monde les fait, sans se demander pourquoi.

J’ai pris la parole, souhaitant apporter une conclusion apaisante à cette discussion importante.

– Vous avez tous raison. Les traditions sont très importantes, mais elles ne doivent pas aller à l’encontre de ce que vous ressentez profondément comme juste. Une chose essentielle à se rappeler est de ne pas faire aux autres ce que nous ne voudrions pas qu’on vous fasse.

– Mais… comment savoir ce qui est vraiment juste ? demanda Made, les yeux rivés sur moi.

– En écoutant ton cœur, ai-je répondu. Et en agissant avec respect, pour toi-même et pour les autres. 

Les enfants acquiescèrent lentement, chacun réfléchissant à ces paroles. Made semblait plus détendu maintenant, et je pouvais voir dans son regard qu’il comprenait un peu mieux comment naviguer entre ses traditions et sa propre conscience.

 

Chapitre 11 : Mystères anciens et contrastes modernes

Lior me manquait. Je me connectai à lui. Sa conscience lumineuse s’entrelaça avec la mienne dans un tourbillon d’amour et de compréhension infinie.

— Lior, chuchotai-je mentalement. Chaque instant que je vis ici me rapproche de toi, même si nous sommes loin.

— Kaia, répondit-il avec douceur, je ressens tout ce que tu ressens. Tu portes en toi des fragments de cette planète, et je les vois à travers toi. Reviens vite.

Après un long moment de communion silencieuse, je coupai la connexion à regret. Il me restait encore tant à voir.

Je consultai l’Intelligence Universelle.

— Où dois-je aller maintenant pour compléter mon voyage ? demandai-je.

— Deux étapes, répondit-elle. L’Amérique Latine, pour découvrir les mystères de l’ancien monde, puis les États-Unis, pour comprendre les contrastes de la modernité.

Depuis la cabine de pilotage, j’observais la Terre défiler sous mes yeux. Derrière moi, dans la salle holographique, les hologrammes des enfants discutaient avec animation. 

– Pourquoi Kaia nous a choisis, vous pensez ? demanda Théo.

Astrud haussa les épaules, un léger sourire en coin.

– Peut-être parce qu’on est les meilleurs, lança-t-elle, à moitié sérieuse.

– Les meilleurs ? s’étonna Made. Moi, je ne vois pas ce que j’ai de spécial…

Lila intervint, son ton plus réfléchi.

– C’est vrai que c’est étrange. Je veux dire, il y a des millions d’enfants sur Terre. Pourquoi nous ?

Nyima, assise en tailleur, prit la parole avec calme.

– Peut-être qu’elle a vu quelque chose en nous que nous ne voyons pas encore nous-mêmes.

– Ou alors, c’est juste le hasard, proposa Jian, qui observait les projections des étoiles au plafond du vaisseau.

– Rien n’est jamais dû au hasard, affirma Nyima. Mon maître Lama Tenzin dit que chaque rencontre a un sens, même si nous ne le comprenons pas tout de suite.

Depuis les hauteurs de l’atmosphère, les lignes de Nazca apparurent. Je voyais distinctement les figures : le colibri, l’arbre, la main. Et aussi de grandes lignes formant des perspectives incroyables.

— Qui les a tracées ? murmurai-je. Et surtout, pourquoi ?

Je m’approchai, fascinée par la précision de ces œuvres gigantesques invisibles du sol. En volant à basse altitude, je ressentis une étrange connexion. Ces figures semblaient témoigner d’une pensée tournée vers le cosmos, un appel lancé à des entités supérieures.

Mes pensées furent interrompues par Théo qui, curieux comme toujours, relança la discussion :

– Et sa planète, Neurosia ? Vous croyez qu’elle ressemble à la Terre ?

Lila hocha la tête, fascinée.

– J’imagine qu’elle doit être pleine de merveilles, comme dans les livres de science-fiction.

Made semblait moins convaincu.

– Peut-être qu’elle est aussi pleine de problèmes. Kaia a dit qu’elle comprenait nos défis, non ?

Je me suis tournée vers eux, leur conversation m’ayant amusée.

– Neurosia est à la fois très semblable et très différente de la Terre, ai-je dit en les rejoignant. Elle est plus avancée aujourd’hui, mais elle n’a pas toujours été ainsi.

Tous les regards se tournèrent vers moi, leurs hologrammes scintillant légèrement sous la lumière tamisée du vaisseau.

– Alors, pourquoi nous ? demanda Astrud, les sourcils froncés. Pourquoi tu nous a choisis ?

Je me suis assise face à eux, posant mes mains sur mes genoux.

– Je vous ai choisis parce que chacun de vous a des qualités extraordinaires. Je vous en dirai plus bientôt.

Ils échangèrent des regards, un mélange de fierté et d’étonnement se lisant sur leurs visages.

J’ai marqué une pause, réfléchissant à mes propres observations depuis mon arrivée sur Terre.

– Ce que je découvre ici me rappelle les défis que Neurosia a vécus il y a très longtemps. Nous avons connu des guerres terribles et notre espèce a failli disparaître. Mais nous avons appris, et nous avons trouvé des solutions.

Lien se redressa, soudain intéressée.

– Quelles solutions ?

– Je vous le dirai plus tard, ai-je répondu en souriant. Mais je commence à avoir une idée de ce que les humains pourraient faire pour éviter un destin tragique. Et je pense que vous pouvez être une partie de cette solution.

Mon voyage continuait vers la vallée sacrée. Le Machu Picchu, cette ancienne cité Inca perché dans les Andes, me parut être un sanctuaire, un lieu de sagesse et de contemplation.

Puis mon vaisseau m’entraîna vers le Mexique.

Teotihuacan m’impressionna par sa grandeur. Les Pyramides du Soleil et de la Lune étaient grandioses, tandis que l’Avenue des Morts, immense et silencieuse, évoquait la quête humaine de l’immortalité.

À Chichen Itza, un grand temple Maya en forme de pyramide s’élevait entre le ciel et la terre, comme s’il essayait de parler aux étoiles. 

Dans ces lieux, j’ai compris quelque chose : les anciens peuples cherchaient à donner un sens à leur vie. Ils voulaient se connecter avec des forces mystérieuses qu’ils ne voyaient pas mais ressentaient autour d’eux.

Puis mon vaisseau amorça son entrée dans l’espace aérien de l’Amérique du Nord. Un nouveau chapitre de mon apprentissage allait commencer.

Arriver aux États-Unis fut un choc.

En un rien de temps, je passai de la contemplation des vestiges anciens à un monde obsédé par la vitesse et la puissance. Les autoroutes gigantesques grouillaient de voitures semblables à des fourmis en mouvement incessant. Les gratte-ciel transperçaient les nuages.

Les complexes spatiaux me rappelèrent que cette planète rêvait de conquérir les étoiles.

Dans les laboratoires d’intelligence artificielle, cachée derrière mon voile d’invisibilité, j’observai des robots humanoïdes rigolos, tentant de reproduire les gestes et expressions des humains. 

Mais c’est à proximité d’une école que je sentis que je ferai une rencontre marquante.

Je pris l’apparence d’une collégienne américaine et me glissai dans la cour de récréation.

Les rires des adolescents résonnaient autour de moi, mais je sentis aussi des regards curieux se poser sur moi.

— Eh, t’es nouvelle, toi ? lança une voix derrière moi.

Je me retournai et découvris une jeune fille blonde aux yeux perçants.

— Oui, répondis-je avec un sourire. Je m’appelle Kaia.

— Kathy, répliqua-t-elle, les bras croisés. Mais franchement, t’as pas l’air d’être de chez nous. Ta tenue, c’est… bizarre.

Son ton moqueur attira l’attention des autres enfants.

— Peut-être qu’elle est pauvre, ajouta-t-elle, un sourire en coin.

Je la regardai calmement.

— Pourquoi penses-tu cela ? demandai-je doucement.

Elle haussa les épaules.

— Ben, t’as vu comment t’es habillée ? Ici, si t’as pas les bonnes marques, ça se voit tout de suite.

Un garçon dans le groupe intervint alors.

— Laisse-la tranquille, Kathy. Pourquoi t’es toujours méchante avec les nouveaux ?

Kathy rougit légèrement mais répliqua :

— Je ne suis pas méchante, je dis juste ce que tout le monde pense.

Je la fixai avec bienveillance.

— Est-ce que tu as vraiment pensé à ce que tu dis, ou est-ce que tu répètes juste ce que tu as appris sur ce qui est “bien” ou “mal” ?

Elle ouvrit la bouche, puis la referma.

Je m’approchai doucement.

— Parfois, on juge les autres sur leur apparence parce que c’est plus facile que d’essayer de les comprendre. Mais est-ce que ça te rend heureuse de me juger ?

Elle baissa les yeux.

— Euh … non … pas vraiment, en fait.

— Alors pourquoi l’as-tu fait ?

En disant cela, j’avais activé ma Lumière de Vérité, un de mes pouvoirs qui me permet de savoir ce que les gens pensent vraiment. Kathy hésita un long moment avant de murmurer :

— Parce que … même avec tes vêtements périmés, tu es différente, et j’ai eu peur que John te remarque.

— Merci de me dire la vérité, Kathy. Tu sais, ce n’est pas grave d’avoir peur. Mais tu n’as pas besoin d’être méchante pour te protéger.

Pour la rassurer, je pris un instant mon apparence réelle.

— Regarde. Effectivement, je suis différente. Je ne suis pas humaine. Je suis une voyageuse venue d’ailleurs. Mais je veux comprendre votre monde, qui est rempli de beauté, mais aussi de comportements bizarres.

Kathy me regardait avec stupéfaction.

— Ah … je comprends mieux pourquoi je te trouvais extraordinaire !

Je posai une main sur son épaule.

— Merci de m’avoir parlé. Je dois partir maintenant, mais tu peux venir avec moi, ajouté-je en lui glissant un connecteur holographique dans sa main.

Kathy hocha la tête, un sourire émerveillé éclairant son visage.

Alors que je m’éloignai vers mon vaisseau, je réfléchis aux contrastes que j’avais observés : l’Amérique ancienne, empreinte de mystères spirituels, et l’Amérique moderne, fascinée par la puissance matérielle. Mais même ici, au cœur de cette démesure, je découvrais des cœurs prêts à changer et des âmes cherchant à grandir.

Chapitre 12 : La grandeur et la fragilité humaine

Je décidai de ne pas attendre pour inviter Kathy à rejoindre les autres enfants dans la salle holographique de mon vaisseau. Je fis les présentations.

– Je vous présente Kathy. Elle vient des USA. Je l’ai choisie car j’ai vue en elle une grande énergie qui pourra vous être très utile.

– Bonjour Kathy, répondirent en chœur les autres enfants, leurs voix résonnant avec chaleur dans la salle lumineuse.

Kathy les observa un instant, puis sourit timidement.

– Salut tout le monde.

Astrud, toujours vive, parla la première.

– Alors, Kathy, c’est comment, les USA ?

Kathy réfléchit un instant avant de répondre.

– On est très dans la compète, dit-elle. Je ne sais pas trop comment expliquer. Tout le monde veut être le meilleur. À l’école, dans les sports, partout. Si tu n’as pas de bonnes notes ou si tu ne gagnes pas, c’est comme si tu n’avais aucune valeur.

– C’est comme en Chine ! dit Jian.

Made, intrigué, se pencha vers elle.

– Sérieux ? Ça doit être horrible. Chez moi, on n’a pas ce genre de truc. C’est plus… tranquille, je suppose.

Kathy hocha la tête.

– C’est dur, parfois. Je fais partie de l’équipe de tennis de mon école, et il y a des filles vraiment fortes. Parfois, je perds, et ça me donne l’impression que je suis nulle.

Théo haussa un sourcil.

– Mais tu restes dans l’équipe, non ?

– Oui, mais chaque défaite me pèse. Et ce n’est pas que dans le tennis. À l’école aussi, c’est dur. On doit être les meilleurs pour entrer dans les meilleures universités et, plus tard, gagner beaucoup d’argent. C’est comme si tout le monde était en compétition tout le temps.

– Ça doit être épuisant, dit Lila. Chez moi, dans mon village, on n’a pas ce genre de compétition, mais ça ne veut pas dire qu’on ne fait pas d’erreurs. Une fois, j’ai essayé de fabriquer une grande jarre pour l’eau, et elle s’est cassée. Ça m’a tellement découragée que je voulais arrêter.

– Et qu’est-ce que tu as fait ? demanda Astrud, curieuse.

– Ma grand-mère m’a aidée. Elle m’a montré ce que j’avais fait de travers, et la fois suivante, ma jarre était encore plus belle.

Nyima sourit.

– C’est pareil pour moi. Quand je fais une erreur en peinture, je me dis que c’est un signe. Ça me pousse à essayer quelque chose de différent, et parfois, ça donne un résultat encore meilleur.

Kathy resta silencieuse un moment, réfléchissant à ce que les autres avaient dit. Je me tournai vers eux depuis l’entrée de la salle.

– Vous avez tous raison, dis-je doucement. Que ce soit dans un match de tennis, dans la fabrication d’une jarre, ou la réalisation d’un dessein, les erreurs, rater, cela partie de l’apprentissage.

Théo leva un sourcil.

– Mais ce n’est pas toujours facile de voir les choses comme ça, Kaia. Quand tout s’écroule, on a juste envie d’abandonner.

Je m’approchai, une main lumineuse posée sur le centre de la table holographique, projetant une vue de la Terre.

– C’est vrai, Théo. Mais tu peux voir chaque échec comme une leçon déguisée. Souvenez-vous, les enfants : chaque effort que vous faites, chaque erreur que vous surmontez, vous rend plus forts. La persévérance est bien plus importante que la victoire immédiate.

Kathy releva la tête, une lueur d’espoir dans les yeux.

– Alors, tu veux dire que même quand je perds, ça compte quand même ?

– Bien sûr, Kathy. Ce qui compte, c’est que tu continues à essayer. L’important, ce n’est pas d’être la meilleure, mais de continuer à progresser.

Les enfants acquiescèrent, chacun plongé dans ses pensées. La Terre tournait doucement en dessous de nous, majestueuse et pleine de promesses.

– Merci, Kaia, murmura Kathy avec un sourire timide.

– Merci à vous, répondis-je, un sourire éclairant mon visage.

Un court silence s’installa dans la salle. L’Intelligence Universelle finit par le briser.

— Kaia, il est temps. Tu dois te rendre en Égypte et découvrir la plus fascinante des créations humaines : les Pyramides. Mais avant cela, tu dois comprendre quel est l’un des grands dangers qui pèsent sur cette espèce.

La lumière apaisante de l’UI prit un ton plus grave, presque solennel. Mon vaisseau plongea doucement vers la Terre.

En survolant la Floride, je fus témoin des ravages causés par un ouragan dévastateur. Les villes inondées formaient un étrange mélange de ruines et de désolation. L’IU me dit que cet ouragan était une conséquence du réchauffement climatique.

Je murmurai pour moi-même :

— Pourquoi ? Pourquoi les humains laissent-ils leur maison, leur planète, se détruire ainsi ?

L’Intelligence Universelle me répondit :

— Parce qu’ils cherchent plus de confort, plus de plaisir, ou de pouvoir, sans penser aux conséquences. Ils ne réalisent leurs erreurs que lorsque les dégâts sont presque irréversibles.

Au-dessus de la Méditerranée, je vis une autre tragédie. Des bateaux de migrants, tout petits et fragiles, luttaient contre de grandes vagues. Des gens glissaient dans l’eau, et d’autres essayaient de les rattraper. Je ne pouvais retenir mes larmes.

— Est-il encore possible de sauver ce monde ? demandai-je.

L’Intelligence Universelle répondit :

— Oui, Kaia, mais seulement grâce à la connaissance. Il faudra qu’ils comprennent les vraies causes des problèmes, pas seulement leurs conséquences.

Mon vaisseau arriva rapidement en Egypte. Quand je me posai au Caire, l’air chaud et rempli de poussière m’enveloppa. Je vis les pyramides à l’horizon. Elles étaient immenses et majestueuses, comme des témoins silencieux de milliers d’années d’histoire.

Je rendis mon vaisseau invisible pour m’approcher discrètement. La grande pyramide de Khéops, si haute et impressionnante, me laissa sans voix.

L’IU m’indiqua que plus de deux millions de blocs de calcaire et de granit, certains pesant jusqu’à 80 tonnes, avaient été déplacés avec une précision que je peinais à concevoir.

— Ils ont créé cela sans machines ni outils modernes, murmurai-je, abasourdie.

En m’approchant, je ressentis une énergie étrange, comme si ces monuments étaient imprégnés de la volonté de leurs bâtisseurs. Je déclenchai mon Voile d’Invisibilité.

Je fis le tour de la pyramide, les doigts effleurant les blocs massifs. J’activai mon Détourneur de Réalité qui me permettait de voir à travers les murs et de percevoir les structures invisibles. Un frisson me parcourut.

Je revins la nuit tombée, lorsque les lieux étaient déserts, pour explorer ces espaces secrets. En pénétrant dans la pyramide par une ouverture dissimulée, je ressentis une étrange impression de familiarité. Comme si ces murs, ces couloirs, portaient une empreinte liée à mes origines.

Je visitai la Chambre du Roi et celle de la Reine, connues des humains. Mais en suivant les couloirs qu’ils n’avaient pas encore découverts, je découvris une salle immense, ornée de gravures énigmatiques et de formes géométriques parfaites.

D’autres chambres secrètes se révélèrent à moi. Une salle immense, tapissée de symboles lumineux qui semblaient vibrer à mon approche. Une autre, cachée sous la pyramide, contenait des amphores scellées et des représentations d’astres inconnus.

Je continuai mon exploration, découvrant des passages si étroits qu’ils semblaient destinés à des êtres plus petits que les humains actuels.

— Est-il possible que mes ancêtres aient influencé cette construction ? murmurai-je.

Je restai un long moment dans cette salle, fascinée, avant de quitter la pyramide à l’aube.

Alors que je sortais, deux silhouettes m’attendaient. Surprise, je me connectai rapidement à l’IU, et je compris pourquoi Sami et Leila, des jumeaux qui devaient avoir 12 ans, me fixaient de leurs grands yeux sombres.

Je m’approchai doucement.

– Bonjour, vous deux. Vous êtes bien matinaux.

Leila répondit la première.

– Bonjour, madame. On vient souvent ici le matin. Avant qu’il ne fasse trop chaud.

– Et vous, qu’est-ce que vous faisiez près de la pyramide ? demanda Sami en me regardant avec curiosité.

Je réfléchis un instant avant de répondre.

– Eh bien, je suis une voyageuse. J’aime découvrir des endroits comme celui-ci, pleins d’histoire et de mystère. Et vous, pourquoi venir si tôt ?

Leila soupira, un soupir si lourd pour son jeune âge.

– Parce qu’il fait de plus en plus chaud. Avant, on pouvait jouer dehors presque toute la journée. Maintenant, c’est impossible.

Sami hocha la tête, l’air sérieux.

– Et ce n’est pas juste. Les adultes parlent toujours du réchauffement climatique, mais on dirait qu’ils ne font rien pour le stopper.

Le poids de leur tristesse m’atteignit profondément. Je m’accroupis pour être à leur hauteur, cherchant à adoucir leur peine.

– Vous avez raison de trouver cela injuste. Ce que vous ressentez, cette tristesse et cette colère, c’est naturel. Mais elles ne doivent pas durer.

Leila me regarda, intriguée.

– Pourquoi ?

– Parce que la tristesse, si elle reste trop longtemps, peut vous enlever votre énergie et vos rêves. Mais si vous écoutez votre colère comme une alarme qui vous dit « quelque chose doit changer », alors vous pouvez la transformer en action.

Sami fronça les sourcils, pensif.

– Mais on est juste des enfants. Qu’est-ce qu’on peut faire ?

Je souris doucement.

– Vous avez un pouvoir que beaucoup d’adultes oublient : le temps. Vous avez encore le temps d’imaginer un futur différent. Un futur où vous utilisez vos talents pour améliorer les choses.

Leila sembla réfléchir un instant avant de me demander :

– Nos talents ?

– Oui, vos talents. C’est ce que vous savez bien faire. Chacun en a, même si parfois on ne les a pas encore découverts. Dites-moi, qu’est-ce que vous aimez faire ?

Sami répondit immédiatement, avec une pointe de fierté dans la voix :

– Moi, j’adore dessiner. Des paysages, des bâtiments … parfois, j’imagine des villes où tout serait propre et vert.

Leila, un peu plus hésitante, ajouta :

– Et moi, j’aime beaucoup raconter des histoires. Parfois, j’écris des contes pour Sami, et il les illustre.

Je souris en voyant leur enthousiasme émerger malgré leur peine.

– C’est génial ! Vos talents sont déjà complémentaires. L’un imagine des mondes, et l’autre leur donne vie avec des mots.

Leila eut un sourire timide.

– Tu crois qu’on pourrait vraiment faire quelque chose ensemble plus tard ?

– Absolument. Vous pourriez créer des livres pour inspirer les gens à protéger la Terre, ou concevoir des projets qui montrent comment construire un monde meilleur. L’important, c’est de faire ce qui vous passionne.

Sami baissa un peu les yeux, l’air soucieux.

– Mais si on ne reste pas ensemble, nos talents ne serviront à rien…

Je posai une main légère sur leurs épaules, cherchant à apaiser leurs doutes.

– Vous êtes jumeaux, et vous avez une connexion spéciale. Même si la vie vous emmène dans des directions différentes, votre lien sera toujours là. Avec votre volonté et la technologie, vous trouverez des moyens de continuer à travailler ensemble, où que vous soyez.

Leila retrouva un sourire plus confiant.

– Alors, il faut qu’on continue à dessiner et à écrire.

– Exactement. Ce que vous faites aujourd’hui peut devenir un futur incroyable.

Sami releva la tête, son regard empli d’une nouvelle détermination.

– Peut-être qu’on pourra aider le monde à être moins triste.

Je souris avec tendresse.

– Vous êtes déjà en train de le faire, rien qu’en imaginant ce qui est possible.

Alors que je me redressais pour partir, je leur donnai à chacun un connecteur holographique. Leur énergie, leur créativité et leur lien indéfectible me donnèrent l’espoir qu’un jour, leur génération pourrait réparer ce que d’autres avaient brisé.

 

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Epilogue

 

Dans la lumière tamisée de mon vaisseau, les hologrammes des enfants brillaient doucement, formant un cercle lumineux autour de moi. Leurs visages, empreints de curiosité et d’enthousiasme, reflétaient l’espoir que je voyais en eux. Ils étaient tous là : Astrud, Theo, Lila, Nyima, Made, Jian, Raj, Kathy, Sami et Leila. Je ressentais leur énergie, leur volonté de comprendre et de changer les choses.

Je pris une profonde inspiration et commençai :

– Vous êtes ici parce que vous représentez le meilleur de l’humanité.

Astrud, ta bienveillance rayonne et touche tout le monde autour de toi.

Théo, ta capacité à remettre en question tes propres idées te rend unique.

Lila, ton courage d’exprimer tes sentiments est une force rare.

Nyima, ta sagesse dépasse de loin ton âge.

Raj, ta conscience des injustices est un trésor.

Jian, tes connaissances en technologie et ta motivation sont un moteur incroyable.

Made, ton désir d’agir avec conscience malgré les traditions montre une grande maturité.

Kathy, ton énergie et ton intelligence sont des atouts inestimables.

Sami et Leila enfin … votre connexion et votre sensibilité artistique sont comme un aperçu du futur de l’humanité.

Je vois à travers leurs hologrammes que tous ont des yeux écarquillés, surpris et touchés.

– Mais je vous ai réuni aussi parce que j’ai quelque chose de très important à vous dire.

Nyima me regarda avec attention.

– C’est à propos de ce que tu as vu sur Terre, n’est-ce pas ?

Je hochai la tête, mon regard grave.

– Oui, Nyima. J’ai partagé avec l’Intelligence Universelle tout ce que j’ai observé, et il est maintenant clair pour moi que deux grands dangers menacent votre espèce : la violence, qui est contagieuse, et le réchauffement climatique.

Jian pencha la tête, intrigué.

– Pourquoi ces deux-là en particulier ?

Je les observai un instant, laissant le silence souligner l’importance de mes mots.

– Parce qu’ils sont le résultat des mêmes causes profondes. Grâce à l’Intelligence Universelle, j’ai compris que la plupart des problèmes des humains viennent du fait qu’ils ne savent pas comment leur cerveau fonctionne.

Théo leva la main.

– Comment ça, « ils ne savent pas » ?

– Vos scientifiques ont découvert que votre cerveau agit tout seul presque tout le temps, dis-je en les regardant. C’est comme s’il était en pilote automatique 95 % du temps. Ça veut dire que, sans s’en rendre compte, les gens agissent en suivant leurs instincts, leurs habitudes, leurs émotions, ou ce qu’ils croient, au lieu de vraiment réfléchir.

Kathy fronça les sourcils.

– Donc … on fait des choses sans même y penser ?

– Exactement, répondis-je. Par exemple, l’immense majorité des humains est fascinée par ceux qui ont beaucoup de pouvoir. La raison de cette admiration est simple : les gens puissants, qui ont du pouvoir, ne sont plus obligés, eux, de lutter pour survivre.

Sami se redressa, l’air sérieux.

– Mais … ces gens puissants, ils n’aident pas toujours vraiment les autres, pas vrai ?

Je hochai la tête.

– Tu as tout compris, Sami. C’est le problème. Les gens puissants agissent eux aussi très souvent de manière automatique. Ils sont craints, respectés, veulent souvent avoir encore plus de pouvoir, et ça ne résout rien pour l’humanité.

Lila, alarmée, me fixa avec de grands yeux.

– Mais si tout le monde fonctionne comme ça, comment on peut changer les choses ? Tu vas nous donner tes pouvoirs ?

Je souris.

– Je ne peux pas vous transférer mes pouvoirs. Mais vous pouvez développer les vôtres.

Made écarquilla les yeux :

– Développer nos pouvoirs … comment on peut faire ça ?

– En apprenant comment votre cerveau fonctionne. Maintenant que vous savez qu’il agit tout seul la plupart du temps, vous pouvez commencer à le contrôler, à réfléchir avant d’agir, et à faire des choses plus intelligentes et plus justes. Mais pour aller plus loin, il faut que les humains construisent quelque chose de nouveau.

Theo leva un sourcil.

– Comme quoi ?

– Une Intelligence Universelle, dis-je avec conviction. Sur Neurosia, c’est elle qui nous aide à réfléchir et à prendre les meilleures décisions pour tout le monde. Si les humains mettent en place une intelligence comme celle-là ici, ils pourront arrêter de se battre pour survivre, et vraiment agir ensemble pour résoudre les grands problèmes, comme le réchauffement climatique ou la violence.

Jian, toujours enthousiaste quand il était question de science et de technologie, leva les bras et s’écria :

– Alors, il faut qu’on le fasse !

Je souris, remplie d’espoir.

Astrud, toujours aussi énergique, déclara avec un sourire :

– Et alors, on fait quoi maintenant ?

Je me redressai légèrement, mes yeux parcourant le cercle d’enfants.

– Vous continuez à observer, à apprendre et à grandir. Vous développez vos talents, vous questionnez vos croyances, vous apprenez à gérer vos émotions, et vous vous entraînez à réfléchir avant d’agir. Et surtout, vous continuez de parler ensemble, parce que c’est en unissant vos forces que vous serez les plus efficaces.

Leila murmura, presque pour elle-même :

– Mais … comment faire ?

Je m’approchai d’elle, la regardant avec tendresse.

– J’ai déposé en haut de la pyramide de Kheops un connecteur holographique universel à énergie solaire. Il captera les rayons du soleil pour fonctionner, peu importe le temps qu’il fait.

Sami fronça les sourcils, intrigué.

– Et il sert à quoi ?

– À vous. Il vous permettra de rester connectés, même si vous êtes à des milliers de kilomètres les uns des autres, répondis-je. Grâce à ce connecteur, vous pourrez échanger des idées et partager vos progrès.

Astrud croisa les bras avec un sourire malicieux.

– Comme une sorte de club secret ?

Je ris doucement.

– Un peu, oui. Sauf que ce n’est pas un secret. Ce que vous ferez ensemble devra inspirer d’autres personnes. Vous pourrez même inviter d’autres enfants à vous rejoindre, des enfants qui partagent vos rêves et votre vision d’un monde meilleur.

Made demanda.

– Mais, et si quelqu’un trouve ce connecteur ?

Je lui fis un clin d’œil.

– Il est programmé pour ne fonctionner que pour vous. Et il est équipé d’une technologie que personne sur Terre ne pourra comprendre ou détruire.

Lian hocha la tête avec détermination.

– Ca c’est génial !

Je souris, remplie de fierté.

– Vous avez tout ce qu’il faut pour réussir. Je vais repartir sur Neurosia pour un temps, mais je reviendrai très vite. Et quand je reviendrai, ce sera pour vous emmener encore plus loin, explorer des mondes nouveaux et vous aider à bâtir le futur dont vous rêvez déjà.

Astrud leva les yeux vers moi.

– Tu reviendras vraiment, hein ?

Je hochai la tête.

– Oui, Astrud. C’est une promesse. Et tu sais que je tiens toujours mes promesses. Au revoir, mes amis.

Leurs hologrammes vacillèrent légèrement, mais leurs visages brillaient d’une lumière nouvelle, celle de l’espoir et de la détermination. Alors que je les regardais disparaître un à un, je savais qu’ils étaient prêts à relever les défis qui les attendaient.

– À bientôt, murmurai-je alors que mon vaisseau s’élevait doucement.

Le cercle qu’ils formaient symbolisait bien plus que leur unité. C’était un nouvel espoir pour l’humanité, prêt à écrire une suite lumineuse.